Accessibilité numérique : contraintes, obligations et échéance 2025

Publié le 07 janvier 2025

Poussée par la réglementation, l'accessibilité numérique des interfaces digitales est devenue un enjeu majeur pour les organismes publiques évidement mais aussi pour les entreprises privées. En 2025, les obligations légales en matière d'accessibilité des sites Internet et des applications mobiles se renforceront, avec des conséquences importantes pour les organisations qui ne respectent pas les normes.

Une conformité des sites sur la question de l’accessibilité à date très marginale

Alors que l’on pourrait penser que les sites publics et les grandes entreprises ont déjà largement intégré l’accessibilité dans leurs interfaces utilisateurs (sites, applications, espaces clients…), il n’en est rien.

0,45%
des sites sont totalement accessibles, seulement ...

Une large étude publiée début 2024 par la Fédération des Aveugles et Amblyopes* de France (*personnes souffrant d’une différence de vision entre les 2 yeux) est sans appel sur le sujet. Cette étude qui porte sur 3993 sites internet des services publics et de grandes entreprises privées, révèle que seuls 18 sites peuvent être considérés comme totalement « accessibles » c’est-à-dire respectant les obligations légales fixées par le Règlement Général d’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA) soit 0,45% des sites !

Et pour une conformité partielle les chiffres sont à peine meilleurs. En effet, 156 sites sur 3993 audités respectent leurs obligations d’affichage soit 3,91% et 282 sites déclarent être partiellement conformes au RGAA soit 7%.

L’accessibilité pour répondre à une population nombreuse et grandissante

On voit ainsi que le chemin reste long à parcourir pour offrir une expérience de navigation adaptée aux 1 700 000 personnes déficientes visuelles soit 2,9% de la population française.

Graphique : Population des malvoyants en France et répartition

La problématique de l’accessibilité concerne donc une population importante d’autant que selon l’OMS, le nombre de personnes souffrant de déficience visuelle pourrait doubler d’ici 2050 notamment dû au vieillissement de la population et à la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).

Source illustration : Association Valentin Haüy.

Données chiffrées : Insee.

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Les contraintes et obligations légales liées à l'accessibilité numérique

1/ Directive Européenne 2016/2102

La Directive Européenne 2016/2102 du Parlement européen et du Conseil, entrée en vigueur en 2016, impose aux États membres de l'Union Européenne de rendre accessibles les sites web et applications mobiles des administrations publiques.

L’enjeu de cette directive : viser à assurer que les services publics numériques soient accessibles à tous, y compris aux personnes en situation de handicap, quel que soit l’appareil utilisé (ordinateur, téléphone, tablette).

Les principaux éléments de cette directive sont :

  • Accessibilité des sites web des autorités publiques : Tous les sites et applications mobiles des autorités publiques doivent être accessibles selon des critères harmonisés au niveau européen.
  • Rapports annuels : Chaque pays membre doit soumettre un rapport annuel sur les progrès réalisés en matière d'accessibilité numérique.
  • Exigences techniques : Les sites web doivent être conformes aux normes d'accessibilité, telles que définies par les WCAG (Web Content Accessibility Guidelines).

Cette directive s’applique principalement aux organismes publics, mais certains secteurs privés peuvent également être concernés, notamment lorsqu'ils collaborent avec des entités publiques ou dans des cas d’interdépendance des services.

 

2/ L’accessibilité en France, un cadre plus large avec la loi pour une République Numérique (2016)

En France, la Loi pour une République Numérique (adoptée en 2016) impose des obligations similaires à celles de la directive européenne, mais avec un champ d'application plus large. Elle concerne non seulement les sites web des administrations publiques, mais aussi ceux des entreprises privées dans certains cas, notamment ceux qui interagissent avec l'administration publique ou qui proposent des services en ligne.

Exigences principales :

  • Accessibilité des services numériques publics : Les sites internet des services publics doivent être accessibles aux personnes handicapées.
  • Conformité avec les normes WCAG : La loi impose le respect des WCAG 2.1 (Web Content Accessibility Guidelines) pour garantir une navigation facile et compréhensible pour tous.
  • Sanctions : Les entreprises et administrations qui ne respectent pas ces obligations peuvent être soumises à des sanctions, bien que ces dernières soient souvent plus symboliques et visent à encourager l’amélioration de l’accessibilité.
50 000 €
C'est la sanction financière pouvant être infligée en cas de non respect des normes d'accessibilité.

En France, à titre d’exemple, les sanctions pour les collectivités publiques en cas de non respect de l’accessibilité numérique différent selon la taille et l’importance de l’organisme : une sanction de 2 000 € pour une commune de moins de 5 000 habitants, une sanction de 25 000 € par site pour les autres entités concernés.

Mais depuis le 6 septembre 2024, une ordonnance (n° 2023-859) fixe le montant maximale de cette sanction à 50 000 € en cas de défaut de conformité. Cette sanction est par ailleurs renouvelable tous les 6 mois.

 

3/ Des normes internationales de l’accessibilité : Normes WCAG

Les Web Content Accessibility Guidelines 2.1 (WCAG 2.1) définissent les bonnes pratiques et normes d’accessibilité. Elles sont les lignes directrices internationales publiées par le W3C (World Wide Web Consortium) et les référentiels majeurs à respecter pour rendre les sites web et les applications mobiles accessibles.

Les quatre grands principes des WCAG sont les suivants :

  • Perceptible : Rendre l'information accessible sous différentes formes (ex. : textes alternatifs pour les images, sous-titres pour les vidéos, contrastes suffisants).
  • Utilisable : Assurer que l'interface est utilisable par tous, y compris les personnes ayant des handicaps moteurs ou cognitifs (ex. : navigation clavier, formulaires accessibles).
  • Compréhensible : Le contenu et l'interface doivent être clairs et simples à comprendre (ex. : consignes claires, langage simple, interface prévisible).
  • Robuste : Le site doit être compatible avec des technologies d'assistance (ex. : lecteurs d'écran, outils de commande vocale) et fonctionnel sur toutes les plateformes.

Des règles d’autant plus importantes à respecter qu’au-delà de répondre à la problématique de l’accessibilité, elles impactent aussi positivement le référencement naturel des sites, leur visibilité et leur trafic.

 

 4/ Réglementation sur les Obligations d’Accessibilité dans le Secteur Privé

Bien que les obligations légales d'accessibilité s’appliquent principalement aux sites des entités publiques, le secteur privé doit aussi se conformer à des normes d’accessibilité pour certaines catégories d’entreprises. Par exemple :

  • Marchés publics : Les entreprises privées qui fournissent des services numériques à des organismes publics doivent respecter les règles d’accessibilité numérique.
  • Normes d’accessibilité sur les plateformes de e-commerce : Les sites commerciaux sont souvent encouragés, voire obligés dans certaines juridictions, à adopter des pratiques d’accessibilité pour éviter des discriminations envers les consommateurs handicapés.

 

5/ Décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 - France

Ce décret met en œuvre les exigences de la loi pour une République Numérique et précise les modalités de mise en conformité des sites web publics avec les critères d’accessibilité. Il introduit les points suivants :

  • Obligations d’accessibilité pour tous les services numériques des administrations publiques et leurs sous-traitants.
  • Rapports sur l'accessibilité : Les administrations doivent rendre publics leurs rapports de conformité et les actions entreprises pour respecter les obligations d’accessibilité.
  • Mise à jour continue : Les sites web doivent être régulièrement réévalués et mis à jour pour respecter les normes d’accessibilité.

 

 6/ Directive Européenne sur l’Accessibilité des Produits et Services (2019/882)

Cette directive vise à harmoniser les règles d'accessibilité des produits et services dans toute l'Europe, en incluant des services numériques. Bien que son application soit progressive, elle va influencer la réglementation des plateformes numériques privées (comme les sites commerciaux) pour garantir que les produits et services numériques soient accessibles à tous, y compris aux personnes en situation de handicap.

On voit bien au travers du développement du réglementaire, la volonté des pouvoirs publiques, poussés par le monde associatif qui milite à juste titre en faveur d’une meilleure accessibilité numérique, à répondre à un besoin grandissant pour faire face à la digitalisation de notre quotidien.

2025, vers une accélération de la mise en conformité de l’accessibilité numérique y compris pour le privé.

Jusqu'à présent, les obligations et éventuelles sanctions visaient en priorité les services publiques et quelques acteurs privés dont l'activité étaient fortement liée au secteur publique. A partir de 2025, la donne change, les obligations se renforcent et vont obliger les entreprises privées à considérer sérieusement la problématique de l'accessibilité pour se conformer au réglementaire (sous peine de sanction à terme ?) mais aussi tout simplement pour améliorer l'expérience utilisateur d'une part importante de la population et ainsi combler une lacune pour le moins difficilement acceptable.

À partir du 28 juin 2025, date de l’entrée en vigueur de la directive européenne sur l’accessibilité des produits et services, toutes les entreprises privées (sauf les entreprises de moins de 10 personnes ou dont le chiffre d’affaires ou le bilan n’excède pas 2 millions d’euros) seront aussi concernées par cette obligation d’accessibilité
Source : numerique.gouv.fr

Quels démarche et calendrier en 2025 pour respecter la conformité en matière d’accessibilité ?

Bien qu’idéalement et afin d’éviter tout rappel à l’ordre et in fine toute sanction, il faudrait respecter l’échéance du 28 juin 2025, la mise en conformité risque cependant d’être difficile à mettre en œuvre pour cette date si le travail n’a pas été engagé préalablement.

Pour initier cette mise en conformité, on peut envisager selon la complexité et profondeur de l’écosystème digital, une démarche méthodique et un calendrier « volontariste ».

Les étapes à suivre pour respecter les obligations légales liées à l'accessibilité numérique :

1/ Janvier - Juin 2025 :

  • Audit d’accessibilité : Réalisation d'un audit complet de l’accessibilité des sites web et applications mobiles. L'audit doit inclure un test de conformité avec les WCAG 2.1, ainsi qu'un test avec des utilisateurs en situation de handicap.
  • Élaboration du plan de mise en conformité : En fonction des résultats de l’audit, un plan détaillé doit être établi pour corriger les lacunes. Ce plan devra intégrer des ajustements techniques, des modifications de contenu et des améliorations de l’expérience utilisateur.
  • Formation des équipes : Des sessions de formation pour les responsables marketing, communication, digital et les équipes techniques doivent être mises en place pour sensibiliser aux enjeux de l’accessibilité numérique.

 

2/ Juillet - Septembre 2025 :

  • Mise en œuvre des corrections : Début de la mise en œuvre des changements nécessaires pour améliorer l’accessibilité des sites et des applications (modifications des codes HTML, balises ARIA, ajout de textes alternatifs, amélioration de la navigation au clavier, etc.).
  • Tests d’utilisabilité : Réalisation de tests d’accessibilité avec des utilisateurs ayant des handicaps (moteurs, visuels, cognitifs).
  • Révision des contenus : Mise à jour des contenus multimédias (vidéos sous-titrées, ajout de descriptions d’images, etc.) et de la structure du site pour respecter les critères WCAG.

 

3/ Octobre - Décembre 2025 :

  • Audit final et validation de la conformité : Avant la fin de l'année, un audit final de l’accessibilité doit être effectué pour valider que tous les sites et applications respectent les normes WCAG 2.1 et les obligations légales.
  • Mise en ligne des modifications : Lancer les mises à jour finales et déployer les nouvelles versions des sites web et des applications mobiles.
  • Communication interne : Informer toutes les parties prenantes sur la conformité et les nouvelles pratiques internes en matière d’accessibilité.
  • Évaluation de la mise en conformité juridique : Si nécessaire, consulter un expert juridique pour confirmer que toutes les obligations légales ont été remplies.

 

 4/ Suivi et mise à jour continue après 2025 :

Après 2025, l’accessibilité doit être intégrée de manière continue dans les processus de gestion des sites web et applications. Il sera nécessaire de :

  • Mettre en place des audits réguliers pour vérifier que l'accessibilité est maintenue et que les sites restent conformes.
  • Former régulièrement les équipes à l'évolution des normes et des bonnes pratiques d’accessibilité.
  • Suivre les retours des utilisateurs ayant des handicaps pour ajuster les interfaces en fonction des besoins réels.

En conclusion, l’accessibilité, plus qu’une obligation, une démarche éthique avant tout.

L’accessibilité numérique est une obligation légale et une démarche éthique qui vise à rendre les sites et applications accessibles à tous, y compris bien sûr aux personnes en situation de handicap. En 2025, il est impératif que les entreprises privées prennent aussi conscience de cette nécessité et fassent en sorte d’être prêtes à répondre à ces exigences. Les responsables communication, marketing, du digital et DSI doivent être pleinement impliqués dans la mise en œuvre de ces pratiques pour garantir une expérience inclusive et conforme aux lois en vigueur.

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